La Gaga c't'une harfang (ouais, même qu'elle nous apporte notre courrier hebdomadaire). Le réalisme des histoires de Gaianee est stupéfiant, on se trouve vite projetés à la place de ses personnages. Mettez votre ceinture, parce que la chouette va vous emmener loin !
Tous les textes de Gaianee
Texte du 03.12.2015
*La chanson à la fin vient de Mecano, « Hijo de la Luna », version française
Il suffit de peu de choses pour changer une vie. Cela, Myri l’a appris très tôt. On affirme que le battement délicat des ailes d’un papillon peut soulever des tempêtes à l’autre bout du monde. Cette métaphore ne lui aura jamais paru aussi vraie qu’après cette fameuse journée à l’hôpital. Un ouragan s’était levé en elle à cet instant, pour ne plus jamais faiblir.
Myri se souvenait de ce jour comme si c’était hier. Aujourd’hui encore, lorsqu’elle y repensait, c’était avec une vive émotion.
Elle avait douze ans. Bientôt treize. La journée avait plutôt bien commencé ce jour-là. C’était une matinée banale, qui aurait donné suite à un après-midi tout aussi quelconque si une douleur insolite ne s’était pas soudainement déclarée dans son abdomen. Myri n’y avait pas prêté attention tout d’abord : c’était certes douloureux mais cela finirait par s’estomper, non ? Elle était rarement malade et pour la jeune fille, le mal lui faisait davantage penser à un point de côté qu’à une gastro entérite.
Mais la douleur n’avait pas disparu, bien au contraire. Elle fut obligée de consulter l’infirmière de son école, laquelle avait alors suspecté une crise d’appendicite. Ni une, ni deux ses parents furent prévenus et on l’emmena à l’hôpital le plus proche.
Myri s’était sentie honteuse : elle avait toujours été fière de sa santé de fer.
« En tout cas, avait décrété sa mère lorsqu’elle l’eut rejointe. Quand il y a vraiment un souci, on sait que tu ne fais pas semblant ! »
Myri avait contemplé le doux visage de sa mère pendant que les médecins lui faisaient passer des examens. Ses beaux yeux verts, les mêmes que les siens, avaient ce pouvoir de chasser ses inquiétudes et de lui faire oublier la douleur. La jeune fille se raccrochait à elle de toutes ses forces tout en essayant de paraître courageuse.
Ses pires craintes s’étaient confirmées lorsqu’on leur avait annoncé qu’il s’agissait bien d’un cas d’appendicite et qu’il fallait l’opérer sans tarder. Myri avait senti son cœur s’emballer : quoi, maintenant ? Mais elle n’était pas prête !
…ou peut-être que si. Elle avait vraiment très mal !
Myri avait fermé les yeux, essayant de s’imaginer ailleurs, loin de toute cette blancheur nauséeuse typique des hôpitaux. Il flottait dans l’air une odeur de médicaments et de désinfectants qui l’avaient empêchée de se représenter celles du dehors, avec les senteurs de feuilles d’arbre mouillées couplée à celles de la terre humide après une forte averse.
Après une interminable attente, les médecins étaient revenus la chercher pour la conduire au bloc opératoire. Ce fut un moment effrayant où on la sépara de sa mère après que celle-ci lui eut murmuré des encouragements.
« Quand tu te réveilleras, ton père et ton frère seront là, lui avait-elle également promis avec un sourire tremblant. »
Myri avait hoché la tête sans rien dire. Elle avait le cœur au bord des lèvres et son ventre la faisait souffrir.
On l’emmena devant le bloc opératoire où les chirurgiens la firent patienter le temps de terminer les préparations. Allongée sur le dos, les yeux fixés au plafond, Myri essayait de se distraire en imaginant des paysages à l’aide des petites tâches grises qui parsemaient la voûte. En reliant chaque point entre eux, elle pouvait dessiner des montagnes, des dunes et même sculpter la forme d’un oiseau en s’y prenant bien.
« Bonjour. »
Myri fut tirée de son petit jeu par la voix chaleureuse et masculine d’un jeune homme en blouse blanche. Celui-ci vint se placer à côté de la civière, face à la jeune fille. Elle ne répondit pas, surprise. Ses grands yeux détaillèrent rapidement le nouveau venu qui lui souriait d’un air doux et amical. Le calot blanc qu’il portait sur la tête laissait échapper des mèches de cheveux blonds ondulés. Il était grand avec des yeux de la même couleur que ceux des faucons sur un visage avenant. Myri le trouva beau.
« Je suis chirurgien ici et je fais partie de ceux qui vont t’opérer et te surveiller. Pas trop stressée ?
-Non, se surprit à répondre Myri. »
Le médecin s’esclaffa, avant de jeter un coup d’œil vers la jambe gauche de l’adolescente. Cette dernière s’agitait nerveusement, trahissant la jeune fille. Elle pinça les lèvres, cessant aussitôt ses tremblements.
« Il n’y a pas de honte à ça, tu sais. C’est ta première opération ? s’enquit le jeune homme avec un sourire complice.
-…oui, répondit-elle, laconique. »
Il ne parut pas dérangé par la brièveté de ses réponses. De sa poche, il sortit un plastique qu’il déchira d’un coup sec et fit glisser un objet entre ses mains. Myri fronça les sourcils, méfiante. L’homme s’en rendit compte.
« Je vais devoir te piquer avec ça, ce sera pour la perfusion. Tu me donnes ta main ? Je vais essayer de ne pas te faire trop mal. »
Myri tressaillit. Elle n’aimait pas les piqûres. A contrecœur, elle tendit son bras et tourna obstinément la tête sur le côté. Une douleur brève et aigue à la main la fit grimacer.
« Ho, excuse-moi, je t’ai fait mal ? Je suis désolé, s’alarma le jeune homme.
-Ca va…chuchota la jeune fille. »
L’adulte et l’enfant se dévisagèrent quelques secondes, avant que le plus vieux ne poursuive :
« Et sinon, ça se passe bien à l’école ? En quelle classe es-tu ?
-7ème grade. Et oui ça va, j’ai de bonnes notes.
-Ha oui ? C’est quoi les matières que tu préfères ? »
Myri réfléchit rapidement :
« Les maths et l’Histoire.
-Haha ! Comme moi à l’époque.
-Plus tard, mon frère il veut faire le même métier que vous. »
Elle ne savait pas pourquoi elle avait dit ça. Peut-être parce le jeune homme était vraiment gentil. Peut-être pour s’excuser d’être si peu loquace.
Il sourit, son regard brun et perçant comme celui d’un faucon s’illuminant.
« Ha oui ? Il a quel âge ton frère ?
-17 ans.
-Bientôt l’université alors. Il sait dans quoi il veut se spécialiser ? »
Myri parut confuse.
« Je sais pas. Moi, ça ne m’intéresse pas trop tout ça.
-Ha oui ? Qu’est-ce que tu veux faire plus tard ? »
La jeune fille ne répondit pas tout de suite, pensive. Elle ignorait quoi répondre à cette question. Ho bien sûr, elle y avait déjà réfléchi. Ce n’était pas encore son principal souci, mais il lui arrivait de s’interroger, parfois. Il était clair que son père voulait qu’elle suive ses traces. Elle n’avait pas protesté, même si devenir avocate n’était pas un métier qui la tentait réellement. Non, elle voulait faire quelque chose qui la passionne, comme le piano ou…
« Plus tard, je veux chanter. »
Les mots avaient surgi de sa bouche avant même qu’elle n’ait pu les arrêter. Limpides, clairs, catégoriques. Elle se surprenait elle-même.
Le rouge lui monta aux joues. Ce désir, cette envie…ce besoin même, jusqu’à maintenant, elle n’en avait jamais parlé. Et pourtant…cela faisait un moment qu’ils hantaient son cœur. La Musique était devenue plus qu’un loisir à ses yeux.
Mais c’était censé être un secret. Personne ne devait le savoir, surtout pas son père. Les gens se moqueraient…lui le premier.
Le jeune homme blond eut un grand sourire :
« Vraiment ? Tu chantes bien ? »
Myri se renfrogna, regrettant ses paroles. Elle ne répondit pas. Sans s’en apercevoir, sa jambe gauche s’était remise à tressauter. Un chirurgien sortit du bloc opératoire, faisant signe à son collègue.
Le jeune homme hocha la tête, mais avant cela il se pencha vers l’adolescente :
« Si c’est vraiment ce que tu veux, alors fais tout pour y arriver. Tu m’as l’air d’avoir un sacré caractère, le genre à s’accrocher. Et la Musique, le Chant peut avoir les mêmes vertus curatives que n’importe quel soin. Je te le prouve ? Chante une chanson, là, maintenant. Celle que tu veux. Tu verras, tu te sentiras beaucoup mieux. »
Stupéfaite, Myri ne réagit pas, laissant le chirurgien la pousser vers le bloc. A la vue de tous les médecins réunis autour de la table d’opération, Myri sentit la tension, la douleur et la peur qui l’habitaient plus tôt revenir au galop. Elle ne put s’empêcher de trembler.
Le gentil chirurgien n’était plus visible. Alors Myri ferma les yeux, s’efforçant de respirer calmement.
«I-idiot qui ne comprend p-pas… »
Elle se sentit soulevée puis replacée sur une surface dure qu’elle devina être le billard.
« La légende qui comme ça»
Elle ne vit pas les haussements de sourcils et regards incrédules des chirurgiens. Ni le geste apaisant d’un jeune homme adressé à ses collègues.
« Dit qu’une gitane
Implora la lune jusqu’au lever du jour »
Myri rouvrit les yeux pour s’apercevoir qu’on lui posait doucement un masque transparent sur le visage. Un doux regard de faucon était posé sur elle.
« Continue. Tu vas t’endormir sur une pensée agréable, et tu te réveilleras avec cette même pensée. »
L’adolescente cligna des yeux. Déjà le produit anesthésiant faisait effet. Sa voix douce et harmonieuse se faisait de plus en plus lente, jusqu’à s’éteindre complètement :
« Pleurant elle demandait, un gitan qui voudrait,
L'épouser par amour… »
Myri ne revit pas le jeune homme après son opération. Par moment, elle se demandait même si elle n’avait pas rêvé sa présence. Mais une chose était sûre : cette rencontre, qu’elle soit réelle ou non, avait changé sa vie, lui donnant le courage et la volonté de suivre sa propre voie.
Il suffit de peu de choses pour changer une vie. Cela, Myri l’a appris très tôt. On affirme que le battement délicat des ailes d’un papillon peut soulever des tempêtes à l’autre bout du monde. Cette métaphore ne lui aura jamais paru aussi vraie qu’après cette fameuse journée à l’hôpital. Un ouragan s’était levé en elle à cet instant, pour ne plus jamais faiblir.
Myri se souvenait de ce jour comme si c’était hier. Aujourd’hui encore, lorsqu’elle y repensait, c’était avec une vive émotion.
Elle avait douze ans. Bientôt treize. La journée avait plutôt bien commencé ce jour-là. C’était une matinée banale, qui aurait donné suite à un après-midi tout aussi quelconque si une douleur insolite ne s’était pas soudainement déclarée dans son abdomen. Myri n’y avait pas prêté attention tout d’abord : c’était certes douloureux mais cela finirait par s’estomper, non ? Elle était rarement malade et pour la jeune fille, le mal lui faisait davantage penser à un point de côté qu’à une gastro entérite.
Mais la douleur n’avait pas disparu, bien au contraire. Elle fut obligée de consulter l’infirmière de son école, laquelle avait alors suspecté une crise d’appendicite. Ni une, ni deux ses parents furent prévenus et on l’emmena à l’hôpital le plus proche.
Myri s’était sentie honteuse : elle avait toujours été fière de sa santé de fer.
« En tout cas, avait décrété sa mère lorsqu’elle l’eut rejointe. Quand il y a vraiment un souci, on sait que tu ne fais pas semblant ! »
Myri avait contemplé le doux visage de sa mère pendant que les médecins lui faisaient passer des examens. Ses beaux yeux verts, les mêmes que les siens, avaient ce pouvoir de chasser ses inquiétudes et de lui faire oublier la douleur. La jeune fille se raccrochait à elle de toutes ses forces tout en essayant de paraître courageuse.
Ses pires craintes s’étaient confirmées lorsqu’on leur avait annoncé qu’il s’agissait bien d’un cas d’appendicite et qu’il fallait l’opérer sans tarder. Myri avait senti son cœur s’emballer : quoi, maintenant ? Mais elle n’était pas prête !
…ou peut-être que si. Elle avait vraiment très mal !
Myri avait fermé les yeux, essayant de s’imaginer ailleurs, loin de toute cette blancheur nauséeuse typique des hôpitaux. Il flottait dans l’air une odeur de médicaments et de désinfectants qui l’avaient empêchée de se représenter celles du dehors, avec les senteurs de feuilles d’arbre mouillées couplée à celles de la terre humide après une forte averse.
Après une interminable attente, les médecins étaient revenus la chercher pour la conduire au bloc opératoire. Ce fut un moment effrayant où on la sépara de sa mère après que celle-ci lui eut murmuré des encouragements.
« Quand tu te réveilleras, ton père et ton frère seront là, lui avait-elle également promis avec un sourire tremblant. »
Myri avait hoché la tête sans rien dire. Elle avait le cœur au bord des lèvres et son ventre la faisait souffrir.
On l’emmena devant le bloc opératoire où les chirurgiens la firent patienter le temps de terminer les préparations. Allongée sur le dos, les yeux fixés au plafond, Myri essayait de se distraire en imaginant des paysages à l’aide des petites tâches grises qui parsemaient la voûte. En reliant chaque point entre eux, elle pouvait dessiner des montagnes, des dunes et même sculpter la forme d’un oiseau en s’y prenant bien.
« Bonjour. »
Myri fut tirée de son petit jeu par la voix chaleureuse et masculine d’un jeune homme en blouse blanche. Celui-ci vint se placer à côté de la civière, face à la jeune fille. Elle ne répondit pas, surprise. Ses grands yeux détaillèrent rapidement le nouveau venu qui lui souriait d’un air doux et amical. Le calot blanc qu’il portait sur la tête laissait échapper des mèches de cheveux blonds ondulés. Il était grand avec des yeux de la même couleur que ceux des faucons sur un visage avenant. Myri le trouva beau.
« Je suis chirurgien ici et je fais partie de ceux qui vont t’opérer et te surveiller. Pas trop stressée ?
-Non, se surprit à répondre Myri. »
Le médecin s’esclaffa, avant de jeter un coup d’œil vers la jambe gauche de l’adolescente. Cette dernière s’agitait nerveusement, trahissant la jeune fille. Elle pinça les lèvres, cessant aussitôt ses tremblements.
« Il n’y a pas de honte à ça, tu sais. C’est ta première opération ? s’enquit le jeune homme avec un sourire complice.
-…oui, répondit-elle, laconique. »
Il ne parut pas dérangé par la brièveté de ses réponses. De sa poche, il sortit un plastique qu’il déchira d’un coup sec et fit glisser un objet entre ses mains. Myri fronça les sourcils, méfiante. L’homme s’en rendit compte.
« Je vais devoir te piquer avec ça, ce sera pour la perfusion. Tu me donnes ta main ? Je vais essayer de ne pas te faire trop mal. »
Myri tressaillit. Elle n’aimait pas les piqûres. A contrecœur, elle tendit son bras et tourna obstinément la tête sur le côté. Une douleur brève et aigue à la main la fit grimacer.
« Ho, excuse-moi, je t’ai fait mal ? Je suis désolé, s’alarma le jeune homme.
-Ca va…chuchota la jeune fille. »
L’adulte et l’enfant se dévisagèrent quelques secondes, avant que le plus vieux ne poursuive :
« Et sinon, ça se passe bien à l’école ? En quelle classe es-tu ?
-7ème grade. Et oui ça va, j’ai de bonnes notes.
-Ha oui ? C’est quoi les matières que tu préfères ? »
Myri réfléchit rapidement :
« Les maths et l’Histoire.
-Haha ! Comme moi à l’époque.
-Plus tard, mon frère il veut faire le même métier que vous. »
Elle ne savait pas pourquoi elle avait dit ça. Peut-être parce le jeune homme était vraiment gentil. Peut-être pour s’excuser d’être si peu loquace.
Il sourit, son regard brun et perçant comme celui d’un faucon s’illuminant.
« Ha oui ? Il a quel âge ton frère ?
-17 ans.
-Bientôt l’université alors. Il sait dans quoi il veut se spécialiser ? »
Myri parut confuse.
« Je sais pas. Moi, ça ne m’intéresse pas trop tout ça.
-Ha oui ? Qu’est-ce que tu veux faire plus tard ? »
La jeune fille ne répondit pas tout de suite, pensive. Elle ignorait quoi répondre à cette question. Ho bien sûr, elle y avait déjà réfléchi. Ce n’était pas encore son principal souci, mais il lui arrivait de s’interroger, parfois. Il était clair que son père voulait qu’elle suive ses traces. Elle n’avait pas protesté, même si devenir avocate n’était pas un métier qui la tentait réellement. Non, elle voulait faire quelque chose qui la passionne, comme le piano ou…
« Plus tard, je veux chanter. »
Les mots avaient surgi de sa bouche avant même qu’elle n’ait pu les arrêter. Limpides, clairs, catégoriques. Elle se surprenait elle-même.
Le rouge lui monta aux joues. Ce désir, cette envie…ce besoin même, jusqu’à maintenant, elle n’en avait jamais parlé. Et pourtant…cela faisait un moment qu’ils hantaient son cœur. La Musique était devenue plus qu’un loisir à ses yeux.
Mais c’était censé être un secret. Personne ne devait le savoir, surtout pas son père. Les gens se moqueraient…lui le premier.
Le jeune homme blond eut un grand sourire :
« Vraiment ? Tu chantes bien ? »
Myri se renfrogna, regrettant ses paroles. Elle ne répondit pas. Sans s’en apercevoir, sa jambe gauche s’était remise à tressauter. Un chirurgien sortit du bloc opératoire, faisant signe à son collègue.
Le jeune homme hocha la tête, mais avant cela il se pencha vers l’adolescente :
« Si c’est vraiment ce que tu veux, alors fais tout pour y arriver. Tu m’as l’air d’avoir un sacré caractère, le genre à s’accrocher. Et la Musique, le Chant peut avoir les mêmes vertus curatives que n’importe quel soin. Je te le prouve ? Chante une chanson, là, maintenant. Celle que tu veux. Tu verras, tu te sentiras beaucoup mieux. »
Stupéfaite, Myri ne réagit pas, laissant le chirurgien la pousser vers le bloc. A la vue de tous les médecins réunis autour de la table d’opération, Myri sentit la tension, la douleur et la peur qui l’habitaient plus tôt revenir au galop. Elle ne put s’empêcher de trembler.
Le gentil chirurgien n’était plus visible. Alors Myri ferma les yeux, s’efforçant de respirer calmement.
«I-idiot qui ne comprend p-pas… »
Elle se sentit soulevée puis replacée sur une surface dure qu’elle devina être le billard.
« La légende qui comme ça»
Elle ne vit pas les haussements de sourcils et regards incrédules des chirurgiens. Ni le geste apaisant d’un jeune homme adressé à ses collègues.
« Dit qu’une gitane
Implora la lune jusqu’au lever du jour »
Myri rouvrit les yeux pour s’apercevoir qu’on lui posait doucement un masque transparent sur le visage. Un doux regard de faucon était posé sur elle.
« Continue. Tu vas t’endormir sur une pensée agréable, et tu te réveilleras avec cette même pensée. »
L’adolescente cligna des yeux. Déjà le produit anesthésiant faisait effet. Sa voix douce et harmonieuse se faisait de plus en plus lente, jusqu’à s’éteindre complètement :
« Pleurant elle demandait, un gitan qui voudrait,
L'épouser par amour… »
Myri ne revit pas le jeune homme après son opération. Par moment, elle se demandait même si elle n’avait pas rêvé sa présence. Mais une chose était sûre : cette rencontre, qu’elle soit réelle ou non, avait changé sa vie, lui donnant le courage et la volonté de suivre sa propre voie.
Texte du 10.12.2015
Marielle regarde l’océan. Accoudée à la rambarde du phare, elle laisse le vent agiter ses cheveux blonds, rabattant de temps à autre une mèche qui lui atterrit devant les yeux. L’air est frais et iodé, ce qui ne change pas de d’habitude, même si l’odeur se fait plus forte sur les côtes. La jeune fille soupire. Lorsque son père part en exploration, elle aime bien attendre là qu’il revienne. Pour être la première à apercevoir son bateau, la première à crier la bonne nouvelle dans toute l’île. Et si jamais une tempête se lève, elle sera toujours là pour éclairer le phare, qu’importe la violence des rafales. C’est ce qu’elle se plait à penser et elle ne doute pas de tenir parole. Son père pourra toujours compter sur elle, Marielle s’en est fait le serment. La jeune fille lisse le tissu de sa robe d’un geste machinal, mais la brise s’empresse de le froisser à nouveau. Elle tourne la tête vers la fragile maison de briques qui se dresse juste derrière le phare. Abandonnée depuis peu de temps, elle menace de s’écrouler sous les assauts de la météo. Elle est encore jolie, mais son seul défaut est de ne pas être faite de la même matière que le phare, qui lui continuera d’affronter le temps et la mer aussi longtemps qu’existera Isla. Marielle se détourne, revenant à sa contemplation des eaux bleues et calmes. Bientôt, il fera nuit. Bientôt, il faudra allumer le phare. La jeune fille espère que, où qu’il soit, son père percevra son message.
« Je suis là, dira la lumière. Reviens vite. »
« Je suis là, dira la lumière. Reviens vite. »
Marielle soupira. Hurgh ! Ce qu’elle avait chaud ! Mais bon, elle n’allait pas se plaindre, le paysage qui s’étalait devant elle était à couper le souffle. Elle n’en avait jamais encore vu de pareil. Elle qui, toute sa vie durant, n’avait connu que l’océan et son île, subissait un dépaysement total.
« Mon Dieu, que ce monde est beau… » ne put-elle s’empêcher de murmurer en embrassant l’étendue sèche et montagneuse des terres de la Californie.
Il y avait tant à voir, tant à découvrir, tant à savourer ! Même après toutes ces années, elle n’en revenait toujours pas. La jeune femme savait qu’elle possédait là une chance immense. Une chance unique, improbable, mais qui pourtant l’avait mené ici, à cette époque, pour contempler la Terre dans toute son immensité, sa diversité et sa beauté. Marielle sentit les larmes lui monter aux yeux. C’était dans ces moment-là qu’elle regrettait le futur et la folie des Hommes.
« Mon Dieu, que ce monde est beau… » ne put-elle s’empêcher de murmurer en embrassant l’étendue sèche et montagneuse des terres de la Californie.
Il y avait tant à voir, tant à découvrir, tant à savourer ! Même après toutes ces années, elle n’en revenait toujours pas. La jeune femme savait qu’elle possédait là une chance immense. Une chance unique, improbable, mais qui pourtant l’avait mené ici, à cette époque, pour contempler la Terre dans toute son immensité, sa diversité et sa beauté. Marielle sentit les larmes lui monter aux yeux. C’était dans ces moment-là qu’elle regrettait le futur et la folie des Hommes.
Michael ne savait pas vraiment ce qu’il faisait là. Où en fait si, il le savait, mais avait encore du mal à se l’admettre. Le phare n’avait pas changé. Il se tenait toujours debout, solide et sûr, face à la mer. Le jeune homme ne pouvait pas en dire autant de la maison. Auparavant coquette, elle était désormais en ruines et envahie par la végétation. Elle avait fini par s’effondrer sur elle-même des années plus tôt, le vent, les intempéries ayant eu raison d’elle. Ne restait que le phare, celui-là même où sa sœur aimait se rendre lorsque leur père partait en voyage. Michael n’avait jamais été très proche de ce dernier, contrairement à Marielle. Il lui reprochait ses absences et ses silences. Mais pas Marielle. Elle, elle l’avait toujours vu comme un héros.
Michael secoua la tête. Un héros…quelle blague. C’était à cause de lui si sa sœur n’était plus là. S’il n’avait pas cherché à se rebeller, s’il avait laissé Marielle en dehors de toutes ses manigances, alors il aurait été la seule cible du Gouvernement ! Et Marielle serait encore là…
Si Michael se tenait sur le phare ce jour-là, ce n’était pas pour les mêmes raisons que Marielle. Elle, elle attendait leur père. Lui, désormais, attendait sa sœur. Et chaque soir, le phare s’allumait, crevant les ténèbres de ses rayons lumineux. Mais ce n’était pas pour guider un navire en perdition. C’était pour percer le temps et ramener au présent une âme égarée.
« Reviens-moi, Marielle. Reviens-moi… » sussurrait chaque soir le jeune homme, comme une prière.
Mais chaque jour, le soleil se levait sur le petit bout de terre meurtrie, et rien n’avait changé. Alors Michael repartait, maudissant son espérance et le temps qui filait impunément.
Michael secoua la tête. Un héros…quelle blague. C’était à cause de lui si sa sœur n’était plus là. S’il n’avait pas cherché à se rebeller, s’il avait laissé Marielle en dehors de toutes ses manigances, alors il aurait été la seule cible du Gouvernement ! Et Marielle serait encore là…
Si Michael se tenait sur le phare ce jour-là, ce n’était pas pour les mêmes raisons que Marielle. Elle, elle attendait leur père. Lui, désormais, attendait sa sœur. Et chaque soir, le phare s’allumait, crevant les ténèbres de ses rayons lumineux. Mais ce n’était pas pour guider un navire en perdition. C’était pour percer le temps et ramener au présent une âme égarée.
« Reviens-moi, Marielle. Reviens-moi… » sussurrait chaque soir le jeune homme, comme une prière.
Mais chaque jour, le soleil se levait sur le petit bout de terre meurtrie, et rien n’avait changé. Alors Michael repartait, maudissant son espérance et le temps qui filait impunément.
Texte du 17.12.2016
D'après une idée de Rena
Personnage : Vieil homme / Défaut: / Qualité : / Lieu: Désert / Epoque: préhistoire
Le serpent cracha, dressé dans toute sa dangerosité face à l’animal imprudent qui avait osé le défier. L’homme ne broncha pas, les mains levées, ses yeux noirs perçant fixés sur le reptile menaçant. Celui-ci feula à nouveau, ses crochets pointus et luisants d’un venin mortel prêts à se planter dans la peau parcheminée de l’homme. Lentement, délicatement, les mains ridées du vieillard s’agitèrent, dessinant de gracieuses arabesques dans les airs. A aucun moment son regard ne se détourna de la bête. Le serpent, bien que toujours en position offensive, sembla légèrement se calmer. Sa gueule se referma tandis que ses pupilles dépourvues de paupières suivaient attentivement les mouvements de l’homme, son long cœur écailleux se balançant même à leur rythme.
Puis soudain, d’un geste vif, l’animal fut saisit à la tête et immobilisé, gueule ouverte.
Le vieillard esquissa un rictus satisfait. Bien, parfait.
Sans se presser, l’homme glissa une main dans la sacoche en cuir qui enserrait sa taille. Il en retira une petite coupelle de terre cuite aux bords morcelés. Là, il vint y appuyer la tête du serpent, crochets en avant. Son pouce pressa le crâne minuscule entre les deux yeux écarquillés du reptile. Bientôt, le poison jaillit, inondant le récipient par grosses gouttes.
Lorsqu’il estima en avoir assez, il brisa la nuque de l’animal d’un geste sec. Le craquement fut à peine perceptible.
Abandonnant sur le sable brûlant le cadavre à peine expirant, l’homme se redressa, faisant grincer ses articulations fragiles. Il tenait enfin son salut. Elle était là sa mort, belle et rapide, et lui seul avait le pouvoir de décider le moment où il la ferait intervenir.
Son peuple avait cru que l’exiler dans le désert lui infligerait une longue et douloureuse agonie. Il se trompait. Il avait été leur chaman, leur guérisseur, leur prêtre. Comment avait-il pu croire qu’il le mettrait à genoux ?
« Arakalë, distri bör non têk… » marmonna le déchu en levant la coupelle vers le ciel et le soleil ardent.
Il répéta son incantation deux fois, avant de porter le liquide mortel à ses lèvres. Il était serein, il n’avait pas peur. Son esprit était prêt, il était prêt.
Il ne mit pas longtemps à mourir. Le venin fit rapidement effet, s’attaquant à son organisme, son cœur, le faisant convulser. Il expira au sol, les bras en croix, un rictus mauvais étirant ses lèvres en une grimace malsaine tandis que ses yeux noirs se figeaient, toute trace de vie l’ayant déserté.
Il quitta son enveloppe physique désormais pourrissante. Filant, invisible, à travers le temps et l’espace, il ne tarda pas à trouver ce qu’il cherchait. Son village lui apparut, misérable et minuscule. Il ne s’attarda pas auprès des femmes et des hommes qui l’arpentaient, insouciants et oublieux de ce qu’ils lui avaient fait subir. Son âme fila tout droit vers une habitation, large tente en peau de bête qu’il traversa comme si elle n’était rien. Sa cible se trouvait à l’intérieur. Sans aucune hésitation, il plongea dans le ventre arrondi d’une jeune femme occupée à coudre une paire de mocassins. Sans hésitation, toujours, il vint écraser l’embryon d’âme du nourrisson qui grandissait en elle pour prendre sa place.
La femme se figea soudainement, les yeux écarquillés. Un hoquet. Elle porta la main à son ventre. Une douleur sourde. Un liquide chaud entre ses jambes. Elle hurla.
Son cri fut entendu. Un homme pénétra dans la tente, affolé. Voyant la jeune femme écroulée au sol, il se figea un instant, avant d’appeler de l’aide. Celle-ci ne tarda pas.
La nouvelle chamane se présenta rapidement et donna des ordres aux diverses personnes présentes dans la pièce. La future mère gémissait, assommée par la douleur. Mais la guérisseuse connaissait son affaire. L’accouchement fut long mais bien mené.
A sa naissance, le bébé ne cria pas. Visqueux et sanguinolent, il souriait au contraire d’un air extatique.
Il avait réussi. Il tiendrait sa revanche. Tout n’était désormais qu’une question de patience
Puis soudain, d’un geste vif, l’animal fut saisit à la tête et immobilisé, gueule ouverte.
Le vieillard esquissa un rictus satisfait. Bien, parfait.
Sans se presser, l’homme glissa une main dans la sacoche en cuir qui enserrait sa taille. Il en retira une petite coupelle de terre cuite aux bords morcelés. Là, il vint y appuyer la tête du serpent, crochets en avant. Son pouce pressa le crâne minuscule entre les deux yeux écarquillés du reptile. Bientôt, le poison jaillit, inondant le récipient par grosses gouttes.
Lorsqu’il estima en avoir assez, il brisa la nuque de l’animal d’un geste sec. Le craquement fut à peine perceptible.
Abandonnant sur le sable brûlant le cadavre à peine expirant, l’homme se redressa, faisant grincer ses articulations fragiles. Il tenait enfin son salut. Elle était là sa mort, belle et rapide, et lui seul avait le pouvoir de décider le moment où il la ferait intervenir.
Son peuple avait cru que l’exiler dans le désert lui infligerait une longue et douloureuse agonie. Il se trompait. Il avait été leur chaman, leur guérisseur, leur prêtre. Comment avait-il pu croire qu’il le mettrait à genoux ?
« Arakalë, distri bör non têk… » marmonna le déchu en levant la coupelle vers le ciel et le soleil ardent.
Il répéta son incantation deux fois, avant de porter le liquide mortel à ses lèvres. Il était serein, il n’avait pas peur. Son esprit était prêt, il était prêt.
Il ne mit pas longtemps à mourir. Le venin fit rapidement effet, s’attaquant à son organisme, son cœur, le faisant convulser. Il expira au sol, les bras en croix, un rictus mauvais étirant ses lèvres en une grimace malsaine tandis que ses yeux noirs se figeaient, toute trace de vie l’ayant déserté.
Il quitta son enveloppe physique désormais pourrissante. Filant, invisible, à travers le temps et l’espace, il ne tarda pas à trouver ce qu’il cherchait. Son village lui apparut, misérable et minuscule. Il ne s’attarda pas auprès des femmes et des hommes qui l’arpentaient, insouciants et oublieux de ce qu’ils lui avaient fait subir. Son âme fila tout droit vers une habitation, large tente en peau de bête qu’il traversa comme si elle n’était rien. Sa cible se trouvait à l’intérieur. Sans aucune hésitation, il plongea dans le ventre arrondi d’une jeune femme occupée à coudre une paire de mocassins. Sans hésitation, toujours, il vint écraser l’embryon d’âme du nourrisson qui grandissait en elle pour prendre sa place.
La femme se figea soudainement, les yeux écarquillés. Un hoquet. Elle porta la main à son ventre. Une douleur sourde. Un liquide chaud entre ses jambes. Elle hurla.
Son cri fut entendu. Un homme pénétra dans la tente, affolé. Voyant la jeune femme écroulée au sol, il se figea un instant, avant d’appeler de l’aide. Celle-ci ne tarda pas.
La nouvelle chamane se présenta rapidement et donna des ordres aux diverses personnes présentes dans la pièce. La future mère gémissait, assommée par la douleur. Mais la guérisseuse connaissait son affaire. L’accouchement fut long mais bien mené.
A sa naissance, le bébé ne cria pas. Visqueux et sanguinolent, il souriait au contraire d’un air extatique.
Il avait réussi. Il tiendrait sa revanche. Tout n’était désormais qu’une question de patience